Le ministre de la santé et des solidarités vient de prendre une décision irrationnelle et injustifiée, au mépris de la santé publique et de l’intérêt des étudiants.
La réglementation relative à l’agrément des établissements de formation en ostéopathie, souhaitée en 2014 par le précédent gouvernement, par la profession, les étudiants et les établissements de formation, prévoit un renouvellement quinquennal de l’agrément de ces derniers. Cet agrément est nécessaire à la délivrance de la formation et du diplôme en ostéopathie. Le décret concerné dispose que la décision de délivrer ou de rejeter l’agrément est prise par le ministre en charge de la santé après avis de la commission consultative nationale d’agrément (CCNA).
Conformément au décret n° 2020-518 du 4 mai 2020, la CCNA a été nommée par un arrêté en date du 1er juin 2021.
Elle est composée d’un membre de l’inspection générale des affaires sociales (IGAS, président de la commission), du représentant du directeur général de l’offre de soins (DGOS, vice-président), du représentant du directeur général de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle, du représentant du sous-directeur des ressources humaines du système de santé de la direction générale de l’offre de soins, du représentant du directeur général d’une agence régionale de santé. Elle comprend également quatre ostéopathes exerçant à titre exclusif, deux ostéopathes médecins, deux ostéopathes masseurs-kinésithérapeutes, tous nommés par leurs organisations professionnelles représentatives. Des suppléants sont également nommés.
La CCNA présente donc une composition paritaire entre représentants de l’administration, qui la président, et de la profession. Son indépendance ne peut donc valablement être remise en question.
Les dossiers de demande de renouvellement d’agrément ont été examinés par la CCNA entre le 18 juin et le 13 juillet. Les avis formés par la CCNA sont fondés sur des éléments factuels et techniques relatifs au respect des normes réglementaires applicables. Chaque dossier a été instruit et rapporté par un binôme constitué d’un représentant de la profession et d’un représentant de l’administration. Les avis ont tous été votés de manière très majoritaire, souvent unanimement ou quasi-unanimement.
Le ministre a décidé de suivre l’intégralité de ces avis et renouvelé l’agrément de 22 établissements, retiré celui de 9 établissements, et réduit la capacité de plusieurs d’entre eux.
Afin de ne pas pénaliser les étudiants des établissements ayant perdu leur agrément et de leur permettre de poursuivre leur cursus dans un établissement agréé, des mesures d’augmentation provisoire de capacité de certains établissements ont été prises en concertation avec les deux organisations représentatives d’ostéopathes exclusifs et avec la fédération des étudiants en ostéopathie.
C’est ainsi que la capacité totale d’accueil de l’appareil de formation en ostéopathie a été préservée pour cette rentrée. Pourtant, la mobilité des étudiants a été particulièrement modérée, ceux-ci faisant face à des mesures d’obstruction des établissements ayant perdu leur agrément.
Au cours de l’été, la plupart des établissements ayant perdu leur agrément ont par ailleurs formé des recours en référé afin d’obtenir la suspension de la décision du ministre. Selon les ordonnances des tribunaux administratifs que le SFDO a pu se procurer auprès des juridictions ou sur les sites internet des établissements eux-mêmes, une majorité d’établissements ont vu leur requête rejetée par les juges administratifs, de telle sorte qu’en dépit du caractère tardif des décisions du ministre au regard de la rentrée, les juges ont le plus souvent considéré que les motifs de rejet ou de diminution de capacité étaient suffisamment sérieux pour que la décision du ministre ne soit pas suspendue dans l’attente du jugement au fond. Il sera observé qu’à la mi-septembre, le ministère a décidé de ne pas défendre sa décision devant le juge administratif, celui-ci concluant alors logiquement à sa suspension.
Le ministre indiquait pourtant dans un communiqué en date du 23 août qu’il souhaitait « garder le cap de la qualité, de la sécurité et de la reconnaissance des formations dispensées » et précisait que « face au constat d’une dégradation notable de la qualité des cursus, le ministère des Solidarités et de la Santé est contraint de réguler l’offre de formation en n’accédant pas à l’ensemble des demandes d’agrément déposées, sur les recommandations de la CCNA »
Contre toute attente et en contradiction totale avec ce communiqué, Olivier Véran a publié un nouveau communiqué de presse un mois plus tard dans lequel il indique qu’il « délivre un agrément provisoire à 9 écoles d’ostéopathie », prétextant que « malgré une mobilisation de l’ensemble des acteurs pour augmenter le nombre d’ostéopathes des écoles agréées et un accompagnement des étudiants ne pouvant poursuivre leur formation dans les écoles n’étant plus agréées, les conditions n’apparaissent pas aujourd’’hui réunies pour réussir la rentrée dans de bonnes conditions ».
Ce prétexte ne convainc personne. En effet, au moment où cette décision pour le moins troublante était prise, plusieurs centaines de places restaient disponibles dans les établissements agréés. Contrairement à ce que prétend le ministre, les conditions étaient ainsi d’autant plus réunies qu’exceptionnellement la date limite de rentrée a été repoussée au mois d’octobre.
La décision du gouvernement est donc fondée sur d’autres motifs que ceux invoqués. Les actions de lobbying des écoles ayant perdu leur agrément ont eu raison des convictions en matière de santé publique et d’intérêt collectif du gouvernement.
Cette décision constitue un désaveu formel de la CCNA et de la DGOS, dont les agents ont pourtant agi avec abnégation afin de permettre une mise en œuvre optimale des décisions ministérielles.
Elle comporte également des conséquences préoccupantes en termes de qualité des soins qui seront délivrés par des ostéopathes mal formés, mais également en termes d’insertion professionnelle de ces étudiants qui rencontreront de ce fait des difficultés à rencontrer un public.
Elle envoie un signal des plus péjoratifs aux établissements qui depuis des années, s’attachent à délivrer une formation de qualité et conforme au cadre réglementaire applicable. Elle offre a contrario une prime d’impunité à tous ceux qui s’affranchissent des règles. Elle détruit enfin d’un trait de plume la confiance chèrement construite entre notre profession, son appareil de formation, ses étudiants et notre ministère de tutelle.
La DGOS prévoit un décret modificatif afin de permettre la délivrance des agréments provisoires. En d’autres termes, la réglementation ne convenant pas aux écoles ayant perdu leur agrément, le Gouvernement la modifie a posteriori. Cette façon d’agir nous laisse tous interrogatifs quant au respect de l’état de droit.
Selon le communiqué de presse ministériel, une mission sera confiée l’IGAS afin « d’étudier le cadre règlementaire de ces écoles, les conditions de délivrance des agréments, l’exercice professionnel ainsi que la cible démographique » des ostéopathes. Faut-il rappeler que cela fait 7 ans qu’un contrôle in situ des établissements est demandé par la profession ? Si un tel contrôle avait été réalisé, nous n’en serions pas là et l’offre de formation serait aujourd’hui homogène en qualité.
A ce stade toutefois, il est important de considérer qu’en l’absence de décision d’agrément provisoire publiée au journal officiel de la République Française, aucune des 9 écoles concernées n’a encore retrouvé son agrément. Puis, si ces décisions sont publiées, viendra alors le temps de l’examen de leur légalité.
Tout ceci constitue un immense gâchis et augure d’une année à rebondissements. Le gouvernement affiche une faiblesse coupable face à une offre de formation dont certains acteurs agissent à l’écart du cadre réglementaire. Les ostéopathes ne peuvent qu’être consternés face à un manque de courage qui alimente l’idée d’un système à plusieurs vitesses.