Une partie des ostéopathes considère volontiers que l’intégration de notre profession aux professions de santé entraînerait de nombreuses conséquences favorables. Cette question mérite d’être mieux documentée.
Les professions de santé sont celles dont les règles sont compilées dans la quatrième partie du code de la santé publique. Elles sont définies par les actes qu’elles sont autorisées à effectuer. Plus le détail de ces actes est élevé, moins la profession est autonome.
Un petit nombre d’entre elles est soumis à une déontologie opposable et est organisé en ordre professionnel. Les actes de certaines professions de santé, mais également de professions qui n’en font pas partie, sont remboursés par la sécurité sociale.
En dehors des professions de la pharmacie et de la physique médicale, les professions de santé sont divisées en professions médicales autonomes et en auxiliaires médicaux subordonnés aux professions médicales.
L’IGAS a recommandé en 2022 que la profession d’ostéopathe soit intégrée aux professions de santé, parmi les auxiliaires médicaux, avec les aides-soignants, les auxiliaires de puériculture, les ambulanciers et assistants dentaires.
La profession d’ostéopathe est d’un point de vue juridique une profession de la santé pleinement réglementée. En l’état actuel des choses, si elle devait devenir profession de santé, elle serait probablement intégrée aux auxiliaires médicaux.
L’assemblée générale du SFDO a rejeté en 2018 le projet que l’ostéopathie devienne à court ou moyen terme une profession de santé, mais a donné mandat à ses représentants d’œuvrer pour obtenir la création d’une autorité administrative de régulation de la profession.
Créer un ordre professionnel et obtenir le statut de profession de santé constituent deux perspectives auxquelles une partie des ostéopathes prête des vertus susceptibles d’améliorer le devenir de l’ostéopathie française.
D’une manière générale, ces deux questions ne semblent pas jusque-là avoir fait l’objet de développements documentés, en dehors du débat préalable à la délibération de l’assemblée générale du SFDO en 2018.
De manière contre-intuitive, le droit français ne contient aucune définition descriptive des professions de santé, qui sont des professions dont les règles professionnelles sont intégrées dans la quatrième partie du code de la santé publique.
Le code de la santé publique, créé en 1953, codifie la très grande majorité des textes juridiques - lois, décrets, arrêtés - qui organisent la santé publique en France. La quatrième partie du code de la santé publique organise les professions de santé.
Le fait de compiler en les numérotant les règles juridiques d’un domaine donné, afin d’en faciliter la manipulation par les acteurs du droit - magistrats, avocats, huissiers, notaires, etc. - remonte dans sa version moderne à Napoléon Bonaparte au début du XIXème siècle. Le droit français compte aujourd’hui 77 codes - civil, pénal, des assurances, de la mutualité, du commerce, etc.
Cependant la prévalence prioritaire de la codification de règles émergentes est atténuée par la numérisation du droit qui en facilite l’accès et l’utilisation.
Comprendre ce qu’est une profession de santé, en l’absence d’une définition descriptive, suppose par conséquent d’en établir les caractéristiques communes, puis d’en apprécier l’organisation.
Chaque profession de santé est définie par les actes professionnels qu’elle est autorisée à effectuer. Du diagnostic et du traitement des maladies congénitales ou acquises, réelles ou supposées, complétés d’une liste d’actes techniques, réservés aux médecins, aux actes à responsabilité limitée des aides-soignants, il apparaît d’emblée que la hiérarchie des compétences est large. Responsabilité et autonomie diminuent proportionnellement au niveau de détail de la description des actes permis.
D’autres caractéristiques sont communes aux professions de santé :
Les professions de santé regroupées dans la quatrième partie du code de la santé publique sont organisées en trois catégories :
Les professions médicales disposent d’un grand degré d’autonomie et sont autorisées à établir un diagnostic et à prescrire leurs propres actes ainsi que ceux réalisés par d’autres professionnels, ou encore des produits de santé ou dispositifs médicaux.
Les auxiliaires médicaux agissent quant à eux dans un lien de subordination au médecin, par délégation de pouvoir, sur ordonnance médicale.
La synthèse de ces professions figure dans le tableau suivant :
Dans son rapport de 2022 rendu public en mai 2023, l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) préconisait d’intégrer les ostéopathes dans le titre IX du livre 3 de la quatrième partie, parmi les aides-soignants, auxiliaires de puériculture, ambulanciers et assistants dentaires. Cette proposition s’inscrit manifestement dans une rupture de cohérence au regard de la logique générale de l’organisation des professions de santé.
La profession d’ostéopathe est une profession pleinement réglementée au sens de l’ordonnance n°2008-507 du 30 mai 2008. Elle figure dans la liste des professions relevant des mécanismes de reconnaissance des qualifications professionnelles des professions réglementées établie par le décret n°2019-381 du 29 avril 2019. Elle relève des professions de la santé au sens de l’article 3 de la directive n° 2011/24/UE du Parlement et du Conseil Européen du 9 mars 2011 relative à l’application des droits des patients en matière de soins de santé transfrontaliers.
En droit européen, elle est ainsi une profession de santé comme les autres, et dans la plupart des états européens où elle réglementée et où les normes de santé publique ne sont pas codifiées, elle l’est en tant que profession de santé.
Dans l’organisation actuelle des professions de santé, et au regard du contexte politique, si notre profession militait activement pour devenir profession de santé, ses chances d’être considérée comme une profession médicale seraient quasi-nulles. L’exemple italien, nation dont l’organisation des professions de santé est comparable à celle de la France, est de ce point de vue éclairant. Nos collègues italiens ont obtenu le statut de profession de santé, prioritaire à leurs yeux dans leur processus de reconnaissance. En contrepartie ils ont dû accepter une classification parmi les auxiliaires médicaux avec une formation en trois ans.
Compte-tenu du cadre juridique actuel de notre profession, l’intégrer aux professions de santé n’entraînerait pas d’évolution favorable concrète marquante. Le changement relèverait essentiellement du symbole, ce qui peut être considéré par certains comme essentiel. Il est vrai que les professionnels de santé manquent rarement une occasion de rappeler que les ostéopathes « non professionnels de santé » ne le sont en effet pas…
Sauf à créer une nouvelle catégorie de professions de santé - mais comment en définir les contours ? - il y a fort à parier qu’un nouveau titre serait ajouté aux auxiliaires médicaux, à moins que la recommandation de l’IGAS ne soit entérinée.
Après un congrès animé par des spécialistes du droit administratif, l’assemblée générale du SFDO s’est opposée à une large majorité en 2018 à l’évolution du statut de l’ostéopathie en profession de santé. Aucun élément nouveau ne peut laisser supposer qu’une délibération différente serait adoptée aujourd’hui.
En revanche l’assemblée générale du SFDO a donné mandat à ses représentants d’œuvrer à la création d’une autorité administrative en charge de réguler notre profession. Des actions sont entreprises en ce sens.