Cet édito est publié dans la revue du SFDO réservée aux adhérents. Le 29e numéro arrive en ce moment même dans les boîtes aux lettres. Comme à chaque fois, cet édito est ouvert à toute la profession.
Depuis quelque temps, et peut-être depuis la très malhonnête instrumentalisation, par l’Assistance publique – Hôpitaux de Paris (AP-HP), des conclusions de l’étude LC-OSTEO publiée dans le Journal of the American Medical Association (JAMA), le vent médiatique a tourné. Jusque-là bienveillante ou a minima neutre à l’égard de l’ostéopathie, la presse, tous supports confondus, est devenue plus hostile. Outre l’AP-HP, une association composée de quelques médecins et dentistes s’est autoproclamée gardienne de l’orthodoxie scientifique, promoteur d’une vision réductrice de l’evidence-based medicine (EBM), défenseur enfin de l’intérêt de patients qui seraient injustement trompés par les charlatans que nous serions. Ce groupuscule semble disposer de réseaux médiatiques efficaces et bénéficie du relais bruyant de l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes. Certains organes de presse n’ont du reste pas hésité ces derniers mois à mettre à profit nos prises de parole en les vidant de leur substance, afin de publier des articles à charge.
Nous pourrions, face à ce mauvais vent qui fait tourner les girouettes médiatiques, pratiquer la politique de l’autruche et clamer qu’après tout ces attaques ne sont pas nouvelles… Ce qui l’est moins, en revanche, c’est la puissance de la chambre d’écho médiatique, dont les contenus péjoratifs se propagent avec une efficacité virale bien supérieure à celle des contenus positifs. Dans ce contexte, nous ne pouvons que nous interroger quant à la réaction d’un public ne disposant d’aucun moyen factuel pour construire un avis critique face à des sources en apparence crédibles, qui prétendent que notre discipline ne présente que peu ou pas d’efficacité objective. Son opinion jusque-là globalement positive n’est peut-être pas inoxydable et nous devons en tenir compte. Pourra être objectée à cette préoccupation l’expérience positive de nos patients, qui représentent 25 % de la population, chaque année à franchir la porte de nos cabinets. Certes. Mais, au-delà du public, l’effet de ces campagnes agressives sur nos décideurs doit être considéré. Après tout, pourquoi prendre des risques politiques pour une profession inutile ? Calomniez, calomniez, il en restera toujours quelque chose.
Pourquoi tant de haine à l’égard d’une profession plébiscitée par les Français ? La réponse figure probablement dans la question : 37 000 ostéopathes tous confondus, dont 27 000 exerçant à titre exclusif, soit trois ou quatre fois plus qu’en 2010, sans que les données économiques disponibles ne traduisent un essoufflement de l’activité. Notre profession est ainsi vraisemblablement la deuxième ou troisième profession dans le champ de la santé derrière les médecins et les infirmiers, alors même que ses actes ne bénéficient d’aucun remboursement par le régime obligatoire de l’assurance maladie. Le succès de l’ostéopathie fait peut-être peur à des professions déjà installées, dont l’ego collectif souffre de constater que les patients – leurs patients ? – exercent leur libre arbitre et échappent à tout contrôle.
Non contente de ce qui précède, notre profession revendique et met en œuvre au quotidien une approche très différente du soin, en considérant le patient comme un tout composé de systèmes en interaction dynamique. À la démarche inductive, nous préférons le raisonnement complexe. La solubilité de l’ostéopathie dans le système de santé ne va ainsi pas d’elle-même, motif peut-être d’un rejet de nature archaïque face à un inconnu différent.
Ce rejet est habillé par le lancer de la sempiternelle tarte à la crème : l’efficacité de l’ostéopathie n’est pas démontrée. Quelle farce !
En premier lieu, rappelons que, pour ce qui concerne la pratique clinique en général, la recherche est pauvre. Les médecins généralistes peinent à démontrer l’efficacité et la reproductibilité de leur démarche diagnostique tandis que les publications scientifiques pour ce qui concerne la masso-kinésithérapie donne des résultats décevants. En revanche, le nombre de publications scientifiques en lien avec le médicament ou les outils technologiques de la médecine, dont le financement est assuré par leurs promoteurs, est légion.
En deuxième lieu, le nombre de publications scientifiques en ostéopathie n’est malgré tout pas négligeable. De nombreuses équipes travaillent, en France et dans le monde, et publient alors même que les financements sont rares.
En troisième et dernier lieu, l’ostéopathie française est confrontée à une injonction paradoxale : elle doit évaluer ses effets, mais ses projets d’évaluation sont soumis à l’avis favorable des comités de protection des personnes (CPP) prévus par la loi Jardé. Ces comités sont composés de médecins assez peu enclins à soutenir notre effort de recherche… Autrement dit, nombre de projets de recherche français sont tués dans l’œuf.
L’EBM ne se réduit pas à l’essai comparatif randomisé en double aveugle, gold standard de la recherche pharmacologique. L’EBM est beaucoup plus ambitieuse et offre de nombreuses voies de réflexion pour définir le modèle le mieux adapté à l’évaluation de l’intervention complexe individualisée que constitue l’ostéopathie.
Tout ceci ne doit pour autant pas nous exonérer de notre responsabilité collective, et l’ostéopathie française – championne du monde en matière de recours du public – a le devoir d’agir avec détermination dans le champ scientifique.
Le SFDO est depuis longtemps convaincu de cette responsabilité et travaille avec ses partenaires de l’Unité pour l’ostéopathie (UPO) au développement d’outils pertinents en faveur de la recherche.
Face à la pression médiatique avec ses conséquences politiques – et donc potentiellement un risque pour le statut de la profession –, une grande majorité de professionnels déserte l’action collective.
Le SFDO est le principal et plus actif syndicat de la profession. Il est écouté, pas toujours entendu. S’il pesait plusieurs dizaines de pour cent de l’effectif de notre profession, ne serait-il pas mieux entendu ? Que peut penser au fond un décideur d’une profession dont les membres sont aussi peu nombreux à se fédérer pour se défendre au sein de leurs organisations représentatives ?
Au fond, l’ostéopathie, combien de divisions ?
Chères consœurs, chers confrères, vous qui lisez ces lignes et n’avez pas encore décidé de nous rejoindre, le destin de votre profession est entre vos mains.
Personne ne défendra l’ostéopathie à la place des ostéopathes.
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