Publié le 08/02/2012 par STERLINGOT Philippe

Quelle intention ?

Quelle intention ?

L’article 75 ne garantit pas la première intention :

Dans une récente publication, le GFIO affirme : « de l’article 75 de la loi de 2002 [dépend] la possibilité d’être consultant de première intention, point qui a été confirmé par le Conseil d’Etat en janvier 2008. »

Cette double assertion se révèle malheureusement fausse, ce que confirme Monsieur Joël Moret-­Bailly, Professeur de droit, spécialiste en droit des professions de santé.

En premier lieu, le système juridique autonome dans lequel s’inscrit l’article 75 est distinct et parallèle de l’organisation des professions de santé [1]. Par conséquent, la seule règle à retenir pour l’organisation de l’ostéopathie est aujourd’hui l’article 75, ce que l’Ordre National des Médecins et l’Ordre National des Masseurs-Kinésithérapeutes ont tenté de contester devant le Conseil d’Etat (arrêt du 23 janvier 2008).

Pour ce qui concerne les conditions d’exercice de l’ostéopathie, la règle est fixée par l’avant-dernier alinéa de l’article 75 qui dispose que :

« Un décret établit la liste des actes que les praticiens justifiant du titre d'ostéopathe ou de chiropracteur sont autorisés à effectuer, ainsi que les conditions dans lesquelles il sont appelés à les accomplir ».

Les conditions d’exercice de l’ostéopathie sont donc renvoyées au contenu d’un décret, publié en 2007 pour le cas d’espèce. Celui-ci prévoit que certains actes (manipulations du rachis cervical et de la face, du crâne et du rachis du nourrisson de moins de 6 mois) sont soumis à un certificat de non contre-indication. Il eût été possible dans ce décret d’étendre cette disposition à l’ensemble des actes des ostéopathes.

En second lieu, le Conseil d’Etat répond dans l’arrêt précité aux arguments de l’Ordre National des Médecins et de l’Ordre National des Masseurs-Kinésithérapeutes qui tentaient de démontrer que le décret d’actes des ostéopathes modifie l’état du droit relatif à ces deux professions. C’est dans ce contexte que le Conseil d’Etat reprend les formulations utilisées par ces deux organisations en énonçant « que le législateur n'a pas subordonné la possibilité d'effectuer des actes d'ostéopathie à un diagnostic médical préalable, non plus qu'à une prescription médicale systématique ». Cette séquence signifie que la loi ne prévoit pas un dispositif de prescription ou de diagnostic médical préalables aux actes des ostéopathes. Elle n’énonce en aucune manière que la loi ne le permet pas, ce qui constituerait un contresens dialectique, non plus qu’elle ne permettrait pas au pouvoir réglementaire de le prévoir s'il le décidait.

Sortir les éléments de leur contexte en extrayant des arguments de l’arrêt du Conseil d’Etat et en omettant son fondement – l’article 75 – est absolument inopérant et aboutit à des conclusions erronées qui n’arrangent que ceux qui tentent de les imposer.

L’article 75 ne garantit pas l’accès en première intention des patients à l’ostéopathie. Les représentants de la profession savent à quel point ils ont dû batailler pour obtenir cette liberté d’exercice dans le décret de 2007.

Prétendre le contraire relève certainement plus d’une erreur de raisonnement que d’une volonté de manipulation intellectuelle.

Référence :

[1] Voir à sujet l’article de Joël Moret-Bailly, qui précise que « l’activité des ostéopathes est définie indépendamment des professions en cause, organisation novatrice eu égard aux modalités habituelles d’organisation des professions de santé, selon lesquelles les professionnels (sauf les médecins), et notamment les auxiliaires médicaux, se voient reconnaître des compétences largement exclusives les unes des autres et faisant l’objet de monopoles ». L’ostéopathie : Profession de santé ou activité de soins ? Revue de droit sanitaire et social, n°2, 2009, 290-‐300

Paris, le 8 février 2012,

Philippe Sterlingot

Dernière mise à jour : 01/04/2016