Au moment où les ostéopathes s’interrogent sur leur avenir et celui de leur discipline, il semble judicieux de se projeter à court, moyen et long terme et de s’interroger sur les voies possibles et les étapes nécessaires pour faire évoluer favorablement le statut de l’ostéopathie en France. Cette contribution ne prétend pas définir la vérité, mais plutôt constituer un apport à une réflexion autour de stratégies à déployer. Elle peut constituer une base de discussion entre les acteurs socioprofessionnels de notre profession.
De même, il n’est question ici que d’objectifs à atteindre. Les moyens à mettre en œuvre pour y parvenir – politiques, judiciaires, médiatiques, nationaux et européens, etc. – ne sont pas détaillés. Les échéances quant à elles ne sont livrées qu’à titre indicatif, tant le calendrier est lié à de multiples influences.
Quatre chapitres regroupent les principaux thèmes et sont relatifs à la qualification, aux actes et conditions d’exercice, au statut de profession de santé et enfin à l’organisation de la profession. Un dernier sujet, portant sur la recherche en ostéopathie, sera traité prochainement.
I - Accès au titre d’ostéopathe, formation professionnelle continue et évaluation des pratiques professionnelles
A. Formation initiale
1) Constat
L’accès au titre d’ostéopathe est aujourd’hui insuffisamment encadré. Les principales carences sont notamment les suivantes :
- Formation initiale de durée minimale réglementaire établie à 3 années. Sur le terrain, le diplôme d’ostéopathe est délivré à l’issue d’un cursus variant de 3 à 6 ans après le baccalauréat ; l’Organisation Mondiale de la Santé recommande une formation de 4200 heures dont 1000 heures de stages pratiques cliniques ;
- Procédures d’agrément des établissements de formation à l’ostéopathie inefficaces. Aujourd’hui, plus de soixante centres d’enseignement, de qualité très hétérogène, délivrent le diplôme d’ostéopathe. Cette situation est préjudiciable à la qualité des prises en charge ostéopathiques et à l’activité économique des professionnels, propice à des dérives déontologiques.
2) Propositions
Echéance à 1 an : Relever l’exigence de qualité des établissements de formation
Modifier la réglementation relative à l’agrément des établissements de formation en vue d’obtenir un nivellement vers le haut d’une offre de formation resserrée et conforme à la demande des patients. Les nouveaux critères doivent notamment porter sur :
- L’obligation d’inscription au rectorat, conformément aux articles L.731-1 à L.731-18 du Code de l’éducation ;
- La qualification de l’équipe pédagogique, qui doit prévoir notamment l’obligation d’un titre universitaire équivalent au minimum à un master 2 en relation avec la matière enseignée ou un titre professionnel de niveau 1 ; Les curriculum vitae et justificatifs de diplômes doivent figurer dans le dossier de demande d’agrément ;
- Un contrôle des capacités d’accueil de l’établissement, qui doivent être en adéquation avec les capacités pédagogiques, le plateau technique de l’établissement et l’offre de stages, notamment au sein de la clinique interne à l’établissement de formation et d’établissements hospitaliers ;
- Une obligation formalisée et contrôlée de mises en situation professionnelle en contact avec des patients, comprenant notamment l’exigence de conventions écrites entre les parties et figurant dans le dossier de demande d’agrément ;
- Un contrôle effectif du respect des engagements et des normes par les Agences Régionales de Santé sous l’égide de l’Inspection Générale des Affaires Sociales, conformément à l’article L.4383-1 du Code de la Santé Publique ;
- Un contrôle financier des établissements de formation par un commissaire aux comptes ;
- Une commission d’agrément composée, outre des représentants de la profession, de personnalités qualifiées en capacité d’effectuer une analyse complète des dossiers de demande d’agrément (représentants du Ministère de la Santé, du Ministère de l’Éducation nationale, de l’Inspection Générale des Affaires Sociales, de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes, etc.).
Echéance à 1 an : Établir un référentiel de l’ostéopathie
Modifier la réglementation relative au cursus de formation menant au diplôme d’ostéopathe en établissant, en concertation entre les représentants de la profession, de la formation et le Ministère de la Santé, un référentiel opposable et détaillé de la profession, incluant notamment la description des activités et compétences ainsi que les matières à enseigner. Ce référentiel prévoit les modalités selon lesquelles des professionnels de santé peuvent s’intégrer à la formation à l’ostéopathie en tenant compte des compétences et connaissances acquises antérieurement.
Echéance à 5 ans : Organiser une filière de formation des formateurs
Réfléchir aux filières de formation et de qualification requises pour enseigner les différentes matières du cursus ostéopathique, encadrer les établissements de formation à l’ostéopathie et leurs différents départements. Orienter la réflexion vers des filières universitaires.
Echéance à 5 ans : Harmonisation qualitative de la formation à l’ostéopathie
À l’aide des trois outils définis supra, favoriser l’émergence d’une offre de formation quantitativement conforme aux besoins du public en termes de prises en charge ostéopathique et homogène en qualité, afin d’être en mesure d’aborder la phase suivante visant à créer un Diplôme d’Etat en ostéopathie.
Echéance à plus de 5ans : Organiser un Diplôme d’État en ostéopathie
Grâce à l’harmonisation de la formation et en prenant appui le cas échéant sur la certification professionnelle de niveau 1 d’une partie des établissements par le Répertoire National de Certification Professionnelle, conformément aux dispositions de l’article L.335-6 du Code de l’éducation, créer un diplôme d’état en ostéopathie qui conditionne l’accès à l’usage professionnel du titre d’ostéopathe. Le cas échéant, conformément aux capacités d’accueil stabilisées des établissements de formation agréés, organiser un concours national d’accès à la formation à l’ostéopathie.
Echéance à plus de 5 ans : Favoriser l’universitarisation de la formation à l’ostéopathie
Concomitamment à la structuration de la formation à l’ostéopathie par voie réglementaire, favoriser et soutenir grâce à une coopération l’émergence de conventions public/privé entre universités, établissements publics de santé et établissements de formation à l’ostéopathie afin d’obtenir la création de masters universitaires délivrés à l’issue du cursus de formation à l’ostéopathie. Ces masters peuvent être professionnels ou de recherche, afin de favoriser les parcours doctorants.
B. Formation continue
1) Constat
L’article 4 du décret n°2007-437 pose pour les ostéopathes le principe d’une formation continue obligatoire. Pour les ostéopathes non médecins, la formation continue est organisée « dans les conditions et modalités de formation continue applicables aux masseurs-kinésithérapeutes ». À ce jour, cette obligation ne fait l’objet d’aucune mise en œuvre. En outre, l’offre de formation continue est qualitativement hétérogène et ne s’inscrit pas de manière constante dans les obligations établies par le Code du Travail.
2) Propositions
Echéance à 5 ans : Organisation de la formation professionnelle continue obligatoire
Organiser et contrôler la formation continue des ostéopathes dans le respect du Code du travail, des régles de la DIRECCTE et du FIF PL et selon les éventuelles obligations décrites au chapitre « Organisation de la profession ».
50 heures de formation continue sont exigées chaque année, se répartissant entre formation présentielle et formation personnelle. La formation comprend des disciplines relatives à la pratique ostéopathique, aux sciences fondamentales, aux outils de gestion de l’entreprise libérale, à la pluridisciplinarité.
Echéance à plus de 5 ans : Organisation de l’évaluation des pratiques professionnelles
Dès lors que la formation initiale et continue des ostéopathes est dûment structurée, réfléchir en concertation avec les différentes parties à l’élaboration d’un cahier des charges de l’évaluation des pratiques professionnelles afin de garantir la qualité de la prise en charge des patients ainsi que la pérennité de la discipline ostéopathique.
II - Actes professionnels et conditions d’exercice, prise en charge des actes
A. Actes professionnels
1) Constat
Manipulations du rachis cervical et manipulations du crâne, de la face et du rachis chez le nourrisson de moins de 6 mois sont soumises à un certificat de non contre-indication. Ces mesures ne disposent d’aucun fondement scientifique, aucune sinistralité particulière portant sur ces actes n’est observée.
Le corps médical, dont la responsabilité est engagée par de tels certificats, est logiquement rétif à toute collaboration.
Ces actes sont toutefois nécessaires à la bonne prise en charge des patients et sont, dans les faits, pratiqués. Loin de protéger les patients, ces mesures les placent donc – ainsi que les professionnels – en situation d’insécurité juridique en cas de sinistre, et ce d’autant plus que l’aléa thérapeutique ne peut être pris en charge au titre de la solidarité nationale lorsqu’ils sont effectués par des ostéopathes non professionnels de santé.
Pourtant, dans une logique d’optimisation de la sécurité sanitaire, il convient de prévoir des dispositions d’accompagnement à tout projet d’abrogation de ces limitations d’exercice.
Les touchers pelviens sont quant à eux prohibés. Utiles au traitement des patients dans certaines indications, ne faisant l’objet d’aucune sinistralité ou dérive particulière, ils méritent d’être réintégrés dans le champ d’activités des ostéopathes et encadrés par une déontologie spécifique.
Enfin, la définition du terme « gynéco-obstétrical » peut prêter à confusion. Il convient de réfléchir à une définition juridique susceptible de moins exposer patients et professionnels à de mauvaises interprétations.
Pourtant, dans une logique d’optimisation de la sécurité sanitaire, il convient de prévoir des dispositions d’accompagnement à tout projet d’abrogation de ces limitations d’exercice (voir ci-après dans la partie « propositions »).
2) Propositions
Échéance à 3 ans : Suppression du certificat de non contre-indication sur les manipulations du rachis cervical
Supprimer dans le décret relatif aux actes des ostéopathes le certificat de non contre-indication pour les manipulations du rachis cervical et intégrer au titre des dispositions d’accompagnement dans le référentiel métier et formation le recours au doppler vélocimétrique afin de limiter ces actes aux patients ne présentant pas de facteurs de risques vasculaires avérés. Finaliser et publier le rapport sur les bonnes pratiques portant sur les thérapies manuelles du rachis cervical élaboré par un groupe d’experts sous la coordination de la Haute Autorité en Santé en 2008. Retirer le terme « forcées » après le terme « manipulations » dans le décret relatif aux actes des ostéopathes, car il est sans utilité et susceptible d’interprétations aléatoires.
Echéance à 3 ans : Suppression du certificat de non contre-indication sur les manipulations du rachis, de la face et du crâne chez le nourrisson de moins de 6 mois
Supprimer dans le décret relatif aux actes des ostéopathes le certificat de non contre-indication pour les manipulations du rachis, de la face et du crâne chez le nourrisson de moins de 6 mois. Prévoir d’intégrer dans le référentiel métier et formation au titre des dispositions d’accompagnement une activité spécifiquement formalisée d’ostéopathie pédiatrique.
Echéance à 3 ans : Suppression de la prohibition des touchers pelviens
Supprimer dans le décret relatif aux actes des ostéopathes l’interdiction des touchers pelviens et publier au titre des dispositions d’accompagnement une recommandation de bonnes pratiques des actes intra cavitaires ainsi qu’un cadre déontologique adapté. Le cas échéant, intégrer les aspects déontologiques de ces recommandations dans une déontologie opposable.
Echéance à 3 ans : Définir le terme « gynéco-obstétrical »
Préciser explicitement dans le décret relatif aux actes des ostéopathes la volonté du pouvoir réglementaire qui visait en 2007 à exclure du champ de compétence des ostéopathes les versions par manœuvre externe.
B. Conditions d’exercice
a) Aléa thérapeutique
1) Constat
L’ostéopathie n’étant pas une profession de santé, un préjudice survenu à l’issue d’un acte effectué par un ostéopathe exclusif ne peut être indemnisé en l’absence de lien de causalité avec une faute professionnelle par la solidarité nationale (Office National d’Indemnisation des Accidents Médicaux – ONIAM). Cette situation place patients et professionnels en situation juridiquement précaire et peut être considérée comme inéquitable.
2) Propositions
Échéance à 3 ans : Permettre l’indemnisation de l’aléa thérapeutique par l’ONIAM
Insérer dans l’article L. 1421-1 du Code de la Santé Publique les mots « les professionnels autorisés à faire usage du titre d’ostéopathe, » à la suite de « les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code ». La nouvelle rédaction de l’article L. 1142-1 CSP deviendrait alors :
« I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, les professionnels autorisés à faire usage du titre d’ostéopathe, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. »
- ou -
Intégrer l’ostéopathie parmi les professions de santé (voir infra)
b) Secret professionnel
1) Constat
Les ostéopathes, pour ce qui concerne leur obligation de secret professionnel, ressortissent du droit commun et sont soumis aux dispositions prévues par les articles L. 226-13 et 14 du Code Pénal. Autrement dit, la règle du secret médical partagé (article 1110-4 CSP) n'est pas applicable aux ostéopathes non professionnels de santé. En conséquence, un ostéopathe qui transmettrait directement à un professionnel ou établissement de santé des informations relatives à un patient qui l’aurait consulté enfreindrait la législation et serait passible d'une sanction pénale.
Cette réalité est réciproque : Le professionnel de santé qui communique directement avec l'ostéopathe non professionnel de santé au sujet de l’un de ses patients se place également en situation irrégulière, tant au regard de la loi que de son instance ordinale.
Enfin, deux ostéopathes ne peuvent échanger librement au sujet d’un patient.
Cette situation nuit à la qualité des prises en charge impliquant plusieurs professionnels et place ces derniers en situation de précarité juridique.
2) Propositions
Échéance à 3 ans : Intégrer les ostéopathes exclusifs dans le dispositif de secret médical partagé
Insérer dans l’article L.1110-4 du Code de la Santé Publique les mots « du professionnel autorisé à faire usage du titre d’ostéopathe, », à la suite de l’ensemble de mots « à la connaissance du professionnel de santé », insérer les mots « et les professionnels autorisés à faire usage du titre d’ostéopathe », à la suite de l’ensemble de mots « deux ou plusieurs professionnels de santé ». Cet article deviendrait alors : « Excepté dans les cas de dérogation, expressément prévus par la loi, ce secret couvre l'ensemble des informations concernant la personne venues à la connaissance du professionnel de santé, du professionnel autorisé à faire usage du titre d’ostéopathe, de tout membre du personnel de ces établissements ou organismes et de toute autre personne en relation, de par ses activités, avec ces établissements ou organismes. Il s'impose à tout professionnel de santé, ainsi qu'à tous les professionnels intervenant dans le système de santé. Deux ou plusieurs professionnels de santé et les professionnels autorisés à faire usage du titre d’ostéopathe peuvent toutefois, sauf opposition de la personne dûment avertie, échanger des informations relatives à une même personne prise en charge, afin d'assurer la continuité des soins ou de déterminer la meilleure prise en charge sanitaire possible. »
- ou -
Intégrer l’ostéopathie parmi les professions de santé (voir infra)
c) Maisons de santé
1) Constat
Conformément à l’article L.6323-3 du Code de la Santé Publique, « Les maisons de santé sont constituées entre des professionnels médicaux et des auxiliaires médicaux. Elles peuvent associer des personnels médico-sociaux. » Cette disposition ne concerne pas les cabinets de groupe en général ou le partage de locaux, mais uniquement les structures qui « assurent des activités de soins sans hébergement et peuvent participer à des actions de santé publique ainsi qu'à des actions de prévention et d'éducation pour la santé et à des actions sociales » et peuvent ainsi prétendre à des financements publics.
Dans un contexte de désertification médicale sur de nombreux territoires et de rationalisation de l’organisation de la santé en France, il convient que les ostéopathes exclusifs puissent prendre part à de tels projets et s’inscrire ainsi dans la pluridisciplinarité.
2) Propositions
Échéance à 3 ans : Ouvrir les maisons de santé aux ostéopathes exclusifs
Insérer dans le second alinéa de l’article L.6323-3 du Code de la Santé Publique les mots « des professionnels autorisés à faire usage du titre d’ostéopathe », à la suite de l’ensemble de mots « des professionnels médicaux ». Insérer les mots «, les professionnels autorisés à faire usage du titre d’ostéopathe » à la suite des mots « les professionnels médicaux » dans le 3ème alinéa du même article. L’article L.6323-3 deviendrait alors :
« Les maisons de santé assurent des activités de soins sans hébergement et peuvent participer à des actions de santé publique ainsi qu'à des actions de prévention et d'éducation pour la santé et à des actions sociales.
Les maisons de santé sont constituées entre des professionnels médicaux, des professionnels autorisés à faire usage du titre d’ostéopathe et des auxiliaires médicaux. Elles peuvent associer des personnels médico-sociaux.
Les professionnels médicaux, les professionnels autorisés à faire usage du titre d’ostéopathe et auxiliaires médicaux exerçant dans une maison de santé élaborent un projet de santé, témoignant d'un exercice coordonné et conforme aux orientations des schémas régionaux mentionnés à l'article L. 1434-2. Tout membre de la maison de santé adhère à ce projet de santé. Celui-ci est transmis pour information à l'agence régionale de santé. »
- ou -
Intégrer l’ostéopathie parmi les professions de santé (voir infra)
d) Etablissements publics de santé et ostéopathes
1) Constat
Aucun statut formalisé et spécifique n’est actuellement disponible pour les ostéopathes au sein de l’hôpital public. Les quelques professionnels qui n’y exercent pas à titre bénévole le font le plus souvent dans le cadre du décret n°91-155 du 6 février 1991 sous la forme de contrats de vacation. La jurisprudence qualifie ces professionnels d’agents contractuels de droit public . Cette situation ne permet pas l’intégration dans de bonnes conditions des ostéopathes. Il convient donc de prévoir un statut juridique adapté aux ostéopathes pour l’hôpital public [1].
2) Propositions
Échéance à 5 ans : Prévoir une intégration des ostéopathes exclusifs au sein de l’hôpital public
Ouvrir une négociation avec l’autorité de tutelle de l’hôpital public afin de :
- Créer un corps d’ostéopathes à l‘Hôpital Public ;
- Créer une unité d’ostéopathie au sein de l’Hôpital, au sein de laquelle « les ostéopathes sont responsables de l'organisation générale des soins et des actes relevant de leur compétence. » ;
- Modifier en conséquence la sixième partie du Code de la Santé Publique et le cas échéant la loi n°83-634 du 13 juillet 1983, portant droits et obligations des fonctionnaires.
- ou -
Intégrer l’ostéopathie parmi les professions de santé (voir infra)
[1] Voir Sylvain Gnaho, « Le service public hospitalier et l’ostéopathie, collaboration, intégration, quelles possibilités juridiques ? »
III - Intégration de l’ostéopathie parmi les professions de santé
A. Constat
En l’absence de définition positive du statut de profession de santé, sont considérées comme telles les professions incluses dans la quatrième partie du Code de la Santé Publique. L’ostéopathie n’y figure pas et de ce point de vue ne peut être considérée comme une profession de santé, ce qui, comme nous venons de le voir, emporte plusieurs conséquences.
Lors de l’Assemblée Générale de 2008, le SFDO s’était prononcé contre l’intégration de l’ostéopathie parmi les professions de santé. Toute nouvelle orientation politique devra faire l’objet d’une délibération préalable des membres.
Devenir profession de santé résoudrait les questions relatives à l’indemnisation de l’aléa thérapeutique, au partage du secret médical, à l’intégration dans les maisons de santé ou à l’hôpital public, favoriserait probablement l’accès à un Diplôme d’État. Les professionnels de santé peuvent en outre « s'engager, à leur initiative, dans une démarche de coopération ayant pour objet d'opérer entre eux des transferts d'activités ou d'actes de soins ou de réorganiser leurs modes d'intervention auprès du patient », participer à la gestion des fonds du développement professionnel continu des professionnels de santé, participer enfin aux Unions Régionales des Professionnels de Santé.
Le statut de profession de santé contribuerait à ancrer l’ostéopathie dans le paysage de la santé et à mieux la positionner d’un point de vue institutionnel et politique.
En revanche, il ne suffirait pas à obtenir une régulation démographique de la profession.
Des contraintes ou des risques existent, tels que l’accès aux actes d’ostéopathie par l’intermédiaire du médecin, un encadrement plus strict des actes d’ostéopathie sous la forme d’une liste d’actes ou encore la fixation d’un tarif d’autorité.
Ce dernier risque parait cependant limité, car corrélé notamment au remboursement des actes par le Régime Obligatoire de l’assurance maladie. Celui-ci est conditionné à l’inscription de l’ostéopathie sur une liste, ce qui, compte tenu d’éléments politiques et économiques, est peu probable.
B. Propositions
Si l’Assemblée Générale du SFDO y souscrit après débat, ajouter un cinquième livre à la quatrième partie du Code de la Santé Publique, qui comporterait comme titre 1er la profession d’ostéopathe.
Prévoir dans le titre 1er du cinquième livre un chapitre 1er dédié à la définition de la profession, au champ de compétence, aux règles d’exercice. Les conditions d’accès au titre d’ostéopathe sont prévues dans les titres suivants, ainsi que les modalités de formation continue, et le cas échéant, d’évaluation des pratiques professionnelles.
Inscrire dans la partie règlementaire les conditions d’agrément des professionnels et des établissements de formation.
Prévoir au Code de la Santé Publique les sanctions pénales d’exercice illégal de l’ostéopathie et d’usurpation du titre d’ostéopathe.
Échéance à 1 an : Organiser un débat interne au SFDO et plus largement dans la profession sur l’intérêt du statut de profession de santé pour l’ostéopathie
Échéance à 5 ans : Selon l’orientation décidée, sensibiliser le Parlement afin de faire évoluer la législation
IV - Organisation de la profession
A. Constat
La déontologie de l’ostéopathie exercée à titre exclusif, portée par une partie des organisations professionnelles, n’est opposable qu’à leurs membres, ceux-ci ayant toujours la possibilité d’en démissionner. Dès lors que l’exercice de l’ostéopathie est essentiellement libéral, et qu’aucune règle ne s’impose aux professionnels, il convient de prévoir une déontologie opposable juridiquement aux ostéopathes exclusifs.
B. Propositions
Trois solutions sont possibles :
Rendre la déontologie opposable par décret ; Les sanctions sont alors prononcées par les tribunaux.
Créer une Autorité Administrative Indépendante (AAI) en charge d’en garantir le respect.
Construire une organisation, personne morale de droit privé d’adhésion obligatoire, en charge d’en garantir le respect.
Ces trois solutions supposent l’adhésion des Pouvoirs Publics. La première d’entre elles est la plus simple, et peut constituer une étape intermédiaire, comme ce fut le cas pour les infirmiers avant la création de l’Ordre National des Infirmiers. L’effectivité du dispositif peut néanmoins paraître incertaine, car elle dépend de la mise en place de mécanismes disciplinaires par l’état et de la légitimité que les publics concernés lui accorderont.
Les deux solutions suivantes nécessitent un débat et une délibération des professionnels, tant leurs implications sont significatives.
a) Autorité Administrative Indépendante
Cette solution présente l’avantage et l’inconvénient d’un financement public. Compte tenu des contraintes budgétaires de l’État français et d’un mouvement orienté vers la concentration de ces autorités plus qu’à la création de nouvelles entités, il est peu probable qu’une AAI soit créée pour les ostéopathes. En outre, sa structuration même implique une faible représentativité des professionnels dans ses organes dirigeants.
b) Personne morale de droit privé
De droit privé, mais d’adhésion obligatoire, son financement est assuré par les professionnels eux-mêmes, ostéopathes exclusifs, ce qui leur confère de meilleures possibilités de représentation au sein de ses organes dirigeants.
Afin d’éviter certaines dérives observées dans d’autres professions, il convient de lui donner des pouvoirs limités au contrôle de la qualité des pratiques professionnelles et la protection des patients ; Ce qui permet en outre de limiter l’enveloppe budgétaire et par conséquent le poids des cotisations. Autrement dit, il n’est pas question ici de créer un ordre professionnel, dont les inconvénients sont identifiés. Il s’agit de construire une structure qui contribue à maintenir la profession dans une dynamique qualitative, notamment du point de vue du respect de normes déontologiques.
Pour qu’elle puisse assumer pleinement sa mission, il convient que patients et représentants des organismes maladie complémentaires puissent faire partie des organes dirigeants et contribuer aux commissions disciplinaires aux côtés des représentants des professionnels.
Dans l’objectif de rendre les décisions disciplinaires légitimes, des magistrats professionnels participent aux commissions disciplinaires.
Son champ de compétence pourrait notamment comprendre les éléments suivants :
- Adoption et évolution de la déontologie de l’ostéopathie ;
- Contrôle du respect des règles déontologiques et le cas échéant sanctions disciplinaires ;
- Promotion de l’ostéopathie ;
- Contrôle du respect de l’obligation de formation continue ;
- Représentation de la profession pour les aspects liés à la qualité des pratiques ostéopathiques ;
- Emission d’avis sur les projets d’évolution législative et réglementaire ;
- Participation à l’évolution des référentiels de la profession ;
- Maintenir la profession dans une dynamique d’excellence.
L’inscription administrative et l’autorisation d’usage du titre d’ostéopathe sont subordonnées à l’adhésion du professionnel libéral – et le cas échéant de l’agent de la fonction publique hospitalière ou du salarié – à la personne morale de droit privé. Celle-ci peut en cas de manquement aux devoirs déontologiques prononcer une sanction. L’autorité de tutelle en est alors informée.
Échéance à 1 an : Organiser un débat interne au SFDO et plus largement dans la profession sur les différentes propositions. Sensibiliser les partis de gouvernement
Échéance à 3 ans : Selon l’orientation décidée, sensibiliser le Parlement afin de faire évoluer la législation ou le Gouvernement afin de favoriser la publication d’un décret relatif à la déontologie
Paris, le 13 décembre 2011,
Philippe Sterlingot