Publié le 28/06/2018 par le Conseil d'Administration

Vers un principe de « libre communication » des informations pour les professionnels de santé ?

Vers un principe de « libre communication » des informations pour les professionnels de santé ?

Le Conseil d'Etat propose d’autoriser aux professionnels de santé une « libre communication » d’informations ce qui conduirait à un assouplissement de l'interdiction de publicité́ aujourd’hui en vigueur.
 

A la demande du Premier ministre, Edouard Philippe, le Conseil d'Etat fut chargé, en décembre dernier, d’une étude sur la règlementation applicable en matière d’information et de publicité pour les professions de santé, au regard de sa compatibilité avec le droit de l'Union européenne, des attentes du grand public, et de son adaptation à l'économie numérique.
 

Le Conseil d’Etat a travaillé sur le sujet pendant 6 mois en menant de nombreuses auditions notamment avec les ordres professionnels, des syndicats de professions de santé, des représentants des établissements de santé publics et privés, des associations de patients, de l’Autorité de la concurrence, de l'assurance maladie etc.
 

L'étude de 138 pages a été diffusée officiellement le 14 juin (voir en téléchargement ci-dessous)


Après avoir dressé un état des lieux du droit applicable, qui n’a que peu évolué depuis plusieurs décennies et après l’avoir comparé au droit des voisins européens, le Conseil d’Etat a rappelé la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne qui a jugé « contraire au principe de la libre prestation toute interdiction générale et absolue de la publicité́ par un État-membre ».


Le Conseil d’Etat a estimé qu’il est temps d’engager la réflexion sur cette question dans la mesure où, il existe déjà « une rupture de fait qui affecte les relations traditionnelles entre le public et les professionnels de santé, et qu'il n’est plus rare de voir certains patients consulter, sur internet, les avis émis par d’autres internautes avant de choisir leur praticien ».


Le Conseil d’Etat a noté que « certains professionnels de santé se plaignaient de ne pas pouvoir préserver leur e-réputation et que face aux informations, parfois teintées de charlatanisme, qui circulent sur les réseaux sociaux, les conseils donnés par les pouvoirs publics et les professionnels de santé semblent quelquefois peu audibles dans un contexte de méfiance alimenté par les crises sanitaires, passées et actuelles ».


Le Conseil d’Etat propose concomitamment d’encadrer cette possible « liberté de communication ». En effet, il précise que si « ni le statu quo ni l’autorisation générale de la publicité́ ne sont envisageables, l’introduction d’un principe de libre communication des informations paraît souhaitable » et déroule une liste de 15 propositions parmi lesquelles :

  • « Prévoir la faculté pour les professionnels de santé, dans le respect des règles déontologiques, de communiquer au public des informations sur leurs compétences et pratiques professionnelles, leur parcours professionnel, des informations pratiques sur leurs conditions matérielles d’exercice ainsi que des informations objectives à finalité scientifique, préventive ou pédagogique et scientifiquement étayées sur leurs disciplines et les enjeux de santé publique ».
     
  • « Rendre obligatoire, dès la prise de rendez-vous, la diffusion, sur tout support, des informations économiques précises dont l’article R. 1111-21 du code de la santé publique impose déjà l’affichage dans les salles d’attente ou lieux d’exercice ».
     
  • « Imposer aux professionnels libéraux venus d’autres États membres, auxquels un accès partiel à l’exercice de certaines activités a été accordé d’informer préalablement le public, par tout support, de la liste des actes qu’ils ont été habilités à effectuer ».
     
  • « Supprimer l’interdiction de la publicité directe ou indirecte dans le code de la santé publique et poser un principe de libre communication des informations par les praticiens au public, sous réserve du respect des règles gouvernant leur exercice professionnel ».
     
  • « Imposer que la communication du professionnel de santé soit loyale, honnête et ne fasse état que de données confirmées, que ses messages, diffusés avec tact et mesure, ne puissent être trompeurs, ni utiliser des procédés comparatifs, ni faire état de témoignages de tiers ».
     
  • « Prévoir que les nouvelles informations diffusées par les professionnels de santé le soient par tout support adéquat n’étant pas de nature à rendre cette diffusion commerciale ».
     
  • « Inciter les professionnels de santé, dans le cadre de leur formation initiale et continue, à davantage utiliser les outils numériques pour communiquer sur leurs expériences et pratiques professionnelles et intervenir efficacement sur tout support afin de répondre aux fausses informations ou approximations susceptibles d’affecter la protection de la santé publique ».
     
  • « Moderniser et harmoniser les rédactions des dispositions des codes de déontologie relatives au contenu et aux procédés de diffusion des informations »
     
  • « Suggérer aux ordres de proposer que soit ajoutée à leur code de déontologie une formule inspirée de l’article R. 4321-124 du code de la santé publique relatif aux masseurs-kinésithérapeutes, qui distinguerait les activités relevant du monopole, pour lesquelles la libre communication serait encadrée, de celles qui n’en relèvent pas, pour lesquelles la publicité serait autorisée sous certaines conditions »


A date, il ne s’agit que de propositions qui devront, si le gouvernement le souhaite, être intégrées, en totalité ou en partie, dans une future loi. S’engagera alors un parcours législatif de plusieurs mois puis une déclinaison règlementaire longue et complexe.


Le conseil d’administration du SFDO sera particulièrement vigilant sur ce dossier et espère que des règles claires seront établies afin de limiter les risques d’une telle dérive.


Le code de déontologie du SFDO proscrit la publicité et le SFDO n’a jamais manqué une occasion de le rappeler aux ostéopathes.


Si le conseil d’administration du SFDO comprend la nécessaire mise en cohérence du droit français avec le droit européen, il regrette une mesure qui pourrait tendre, sous couvert d’information vertueuse, à banaliser une conception mercantile de l’activité de soin.


Le SFDO restera également attentif à un éventuel effet boomerang « anti ostéopathie », à l’instar de ce qui se passe actuellement entre l'homéopathie et le conseil national de l'ordre des médecins.


Le SFDO espère que les informations des professionnels de santé-ostéopathes ne feront pas émerger une nouvelle forme de communication « anti-ostéopathe non professionnel de santé » à base des mêmes éternels arguments fallacieux et mensongers.


Le SFDO se tiendra prêt à lutter contre ces formes de discrimination nouvelles, si elles devaient se multiplier, notamment sur Internet.

 

Dernière mise à jour : 28/06/2018